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Amélie Poulain. Difficile de ne pas invoquer son nom dès que le personnage de Miss Bella
Brown nous est présentée, avec sa fantaisie friponne mais aussi sa zone de confort. Une bulle de
conte de fée qui ne demande qu’à être percée afin qu’elle puisse s’ouvrir au monde. Bella Brown
souffre de « chlorophobie » ; les plantes la répugnent. Dommage, car son voisin à la main verte
agonise de voir son jardin dépérir. THIS BEAUTIFUL FANTASTIC est bien l’histoire de leur
rencontre et doit énormément à la performance des deux acteurs (Jessica Brown Findlay et
Tom Wilkinson pour le voisin). Ils arrivent à donner à leur archétype des strates d’émotions qui
nous donnent envie de croire à leur relation. Les seconds rôles sont eux plus caricaturaux et
servent surtout une fonction bien trop définie pour les doter d’une aura similaire.
THIS BEAUTIFUL FANTASTIC avance sur le fil très ténu qui sépare la naïveté de
l’émerveillement. Rarement, il arrive au réalisateur Simon Aboud de tomber dans un excès de
mièvrerie (cet arc-en-ciel guimauve, argh); la plupart du temps le film sème ici et là une poésie
bucolique sans fard.
«Dans THIS BEAUTIFUL FANTASTIC, l’histoire de Bella est donc au miroir de celle de son
voisin, comprendre comment cultiver son jardin (en soi comme au monde). »
Qu’est-ce qui empêche-donc THIS BEAUTIFUL FANTASTIC de tomber dans la naïveté ? La
direction artistique en premier lieu est exemplaire. Des costumes aux décors en passant par
l’organisation du jardin ou les motifs des dessins de Bella, le moindre détail visuel fait sens. On
pourrait presque être dans du Wes Anderson, si ce n’est que jamais le cadre ou le mouvement de
la caméra n’en souligne l’harmonie. Ici ou là un effet visuel nous rappelle un certain Michel
Gondry, mais l’illusion se veut trop discrète pour tomber dans l’onirisme. Plutôt que de révéler
l’Art comme distinct du monde réel, Simon Aboud veut nous convaincre qu’il l’est déjà incarné,
partout autour de nous. Il n’y a que l’artiste « dysfonctionnel » qui ne s’aperçoit pas que son
monde intérieur et celui de l’extérieur ne font qu’un. L’histoire de Bella est donc au miroir de
celle de son voisin, comprendre comment cultiver son jardin (en soi comme au monde).
Au-delà de la querelle assez anecdotique entre les deux voisins, THIS BEAUTIFUL FANTASTIC pourrait se
rapprocher des « romans d’apprentissage » (« Bildungsroman »), qui ont fleuri depuis l’Allemagne du
18ème siècle. S’il y a donc bien un peu de fantastique et non de romantisme dans THIS
BEAUTIFUL FANTASTIC, ce n’est pas pour nous transporter dans un autre monde mais pour nous
apprendre à habiter celui ici-bas. Par les yeux de Bella on s’aperçoit alors que les plus étranges et
mystérieuses créatures sont autour de nous.